Puy-de-Dôme (63)
23 avril 2025
Les 19 et 20 mai prochains à l’Hôtel de Région de Clermont-Ferrand, la Journée de l’Éco-Bâtiment (JEB) va célèbrer sa 10e édition autour d’un thème central pour l’avenir du secteur : la massification des matériaux biosourcés et géosourcés. La Banque de la Transition Énergétique (BTE), déjà partenaire en 2024, renouvelle son engagement auprès du cluster Eco-Bâtiment. Pierre-Henri Grenier, directeur exécutif de la BTE au sein de la Banque Populaire Auvergne-Rhône-Alpes, livre sa vision d’une transition portée par la coopération, l’innovation… et la volonté collective de changer d’échelle.
Quel regard portez-vous sur cette collaboration avec le Cluster, un an après votre première participation à la JEB ?
Pierre-Henri Grenier : Cette collaboration est précieuse. Le Cluster joue un rôle que je trouve fondamental : celui de capteur d’avenirs. Il est à l’écoute des signaux faibles, des innovations qui montent, des mutations à venir. Pour une banque comme la nôtre, c’est essentiel. Cela nous permet de mieux anticiper les changements de modèle, de comprendre où vont les besoins en financement, et donc de ne pas rester sur un schéma figé. Le secteur du bâtiment bouge très vite, sous l’effet des réglementations, des usages, des aides… et on ne peut pas juste suivre le mouvement. Il faut parfois savoir le devancer, et c’est exactement ce que ce partenariat nous aide à faire.
Pourquoi avez-vous souhaité renouveler votre engagement pour cette 10e édition ?
Pierre-Henri Grenier : Parce que le rôle d’une banque comme la nôtre ne se limite pas à accorder des crédits. Nous avons une responsabilité plus large : celle d’accompagner les transformations, de les accélérer même. Mais pour cela, nous avons besoin de nous appuyer sur un écosystème solide. Le Cluster est un partenaire de confiance, qui nous met en relation avec des acteurs de terrain, des entreprises innovantes, des porteurs de projets inspirants. C’est ce maillage qui fait la différence. Le bâtiment de demain se construira en réseau, en partenariat. Et la JEB en est une belle démonstration !
« Nous, banquiers, avons un rôle à jouer pour soutenir ces filières (biosourcé et géosourcé) et sécuriser leur développement »
La JEB 2025 met l’accent sur les matériaux biosourcés et géosourcés. Pourquoi est-ce un thème important à vos yeux ?
Pierre-Henri Grenier : C’est une évidence : on ne peut pas atteindre les objectifs de décarbonation avec les matériaux d’hier. Il faut changer la matière pour changer l’impact. Aujourd’hui, nous finançons déjà des projets très concrets en ce sens : la Manufacture Bois Paille à Villefranche-sur-Saône, Greenfab en Haute-Loire qui produit des isolants à base de cartons recyclés… Ces initiatives allient innovation, réduction d’impact, ancrage territorial. Et surtout, elles incarnent un nouveau modèle industriel, qui redonne vie à nos savoir-faire locaux et crée de l’emploi.
Mais il ne suffit pas d’innover : il faut massifier. C’est là tout l’enjeu. Et cela passera par une montée en puissance des filières, des outils de production, mais aussi par la mobilisation des prescripteurs et des financeurs. Nous, banquiers, avons un rôle à jouer pour soutenir ces filières et sécuriser leur développement.
Vous financez des projets concrets dans la région : constatez-vous une montée en puissance de ces matériaux dans les demandes de financement ?
Pierre-Henri Grenier : Oui, clairement. Même si la promotion immobilière connaît actuellement un ralentissement, on observe une réelle dynamique autour des matériaux alternatifs. Les producteurs de béton, par exemple, travaillent tous sur des solutions bas carbone. On voit émerger de nouveaux procédés hybrides, intégrant des composants biosourcés ou géosourcés, qui cumulent des bénéfices techniques – isolation thermique, confort phonique – et environnementaux.
La demande progresse, portée autant par la réglementation que par les usages. Et du côté des entreprises, on sent une volonté forte d’intégrer ces solutions, à condition qu’elles soient lisibles, fiables et accessibles. C’est notre rôle d’accompagner ce changement, y compris dans sa phase de maturation industrielle.
« Maîtres d’ouvrage, publics ou privés, vous n’aurez pas le choix ! »
En 2024, vous évoquiez la nécessité d’une intermédiation efficace entre l’épargne et les projets. Quelles innovations avez-vous développées depuis pour renforcer cette logique ?
Pierre-Henri Grenier : C’est toujours le cœur de notre modèle. Depuis 2020, nous avons collecté 450 millions d’euros d’épargne verte en Auvergne-Rhône-Alpes, et engagé 650 millions d’euros de crédits. Nationalement, la communauté des Banques Populaires a dépassé le milliard d’euros d’épargne verte et 1,5 milliard de crédits pour la transition.
Mais ce qui me tient particulièrement à cœur, c’est la transparence. Nous publions des indicateurs clairs, concrets : pour 1 000 € d’épargne, nous économisons 190 kg de CO₂. Ce sont des résultats mesurables, visibles, qui permettent à l’épargnant de se reconnecter au réel. Et surtout, c’est une intermédiation locale, au service du territoire. L’argent ne part pas sur des marchés abstraits, il sert ici, chez nous, à transformer l’économie.
On sait que les freins sont nombreux… Quels leviers faudrait-il activer pour vraiment accélérer la transition dans le bâtiment ?
Pierre-Henri Grenier : Il y en a plusieurs, mais le premier, c’est la simplification. Aujourd’hui, les aides sont trop complexes, trop changeantes. Les artisans passent plus de temps à monter des dossiers qu’à faire des devis. Et dans le même temps, on manque cruellement de main-d’œuvre qualifiée, notamment d’artisans RGE. Il faut former massivement, rendre ces métiers attractifs. Et il faut aussi stabiliser les règles du jeu. La rénovation, c’est un gisement immense : pas d’artificialisation, du confort, de la valeur, de la résilience… Mais pour l’exploiter, il faut lever les blocages. Et ça ne se fera qu’en rassemblant acteurs publics, privés, financiers et techniques autour d’une même ambition.
J’ajouterais un enjeu plus spécifique mais très symbolique : celui de la rénovation des copropriétés. On y trouve à la fois des freins techniques, humains, financiers et pédagogiques. Mais aussi un immense potentiel. Le jour où nous saurons rendre ces projets collectifs simples, fluides et lisibles, on aura changé d’échelle.
Pour finir, quel message souhaitez-vous faire passer aux professionnels et maîtres d’ouvrage qui hésiteraient à venir à la Journée de l’Eco-Bâtiment ?
Pierre-Henri Grenier : Et bien, j’ai deux messages. D’abord, pour les représentants d’entreprises et professionnels du bâtiment : vous êtes au cœur d’un secteur d’avenir. Mais pour être à la hauteur, il faudra monter en compétences, se former, s’adapter. C’est le bon moment pour se positionner, pour apprendre, pour innover. Et la JEB est un endroit unique pour ça.
Ensuite, pour les maîtres d’ouvrage, qu’ils soient publics ou privés : vous n’aurez pas le choix ! La planète se réchauffe, et vos bâtiments doivent s’adapter. Ce n’est pas une question de retour sur investissement financier, c’est une question d’usage, de santé, de bien-être. On ne peut pas accueillir dignement des enfants dans une école où il fait 38 degrés en été. Il faut agir, et vite. Cet événement est un moment pour s’informer, rencontrer des partenaires… et passer à l’action.